Ministres des finances et du budget, postes risqués

Révélée fin décembre 2012 par Mediapart, l’existence présumée avérée d’un compte bancaire suisse (depuis transféré à Singapour) appartenant au (ex-) ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, est à l’origine de « l’affaire » Cahuzac, qui anime la rentrée médiatique (ici le récapitulatif de TF1). Affaire qui fait aussi le bonheur du site d’informations payant dont le nombre d’abonnés est depuis en hausse et a sans doute donné au ministre quelques aigreurs d’estomac au moment des fêtes.

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Et l’Epiphanie est tout autant indigeste, le parquet de Paris ayant ouvert ce mardi 8 janvier une enquête préliminaire pour « blanchiment de fraude fiscale », comprenez l’utilisation (légal) d’argent non déclaré au fisc (illégal). Jérôme Cahuzac rejoint ainsi la liste bien garnie, à l’image du compte en banque de Liliane Bettencourt, des ministres des Finances ou du Budget rattrapés par les scandales et contraints à la démission, l’exil ou même la prison.

Le dernier en date (avant que M.Cahuzac ne l’imite) est bien sûr Eric Woerth, ministre du budget de 2007 à 2010, impliqué dwoerthans les multiples ramifications de l’affaire Woerth-Bettencourt. D’abord suspecté d’avoir facilité, grâce à sa fonction ministérielle, l’entrée de sa femme au sein de la société gérant la fortune de la principale actionnaire de l’Oréal, le ministre, aussi trésorier de l’UMP, sera ensuite mis en examen pour trafic d’influence et financement illicite de parti politique.

Eric Woerth, alors ministre du travail, doit démissionner, deux mois seulement après le début de la réforme des retraites…

 dskUne trajectoire qui rappelle celle de Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie et des finances en 1999. Alors qu’il est l’une des têtes d’affiche du gouvernement PS de Lionel Jospin, instigateur des 35 heures et en pleine réforme du secteur public français, avec de nombreuses privatisations à la clef, celui qui sera plus tard un acteur incontournable de l’hôtellerie française (Sofitel et Carlton) est rattrapé par les affaires de la MNEF et de la cassette Méry. Suspecté de faux et usages de faux ainsi que d’emploi fictif dans la première, puis de corruption passive dans la deuxième, il ne sera jamais inquiété par la justice mais devra lui aussi démissionner.

 Si les « affaires » sont devenues habituelles dans le paysage politique français, les ministres de l’économie, des finances ou du budget sont, peut être du fait de la relation qu’entretiennent les Français avec l’argent, particulièrement exposés. Pourtant, la découverte des seuls faits ne suffit souvent pas à faire éclater le scandale. Il faut aussi que le temps politique s’y prête…

Les affaires sont alors comme autant de pions dans la partie d’échec géante qui se joue quotidiennement au sommet de l’Etat.

 Sous l’Ancien Régime déjà, à une époque où l’enrichissement personnel illicite était monnaie courante à tous les niveaux de l’appareil étatique et plus particulièrement auprès des gestionnaires de l’argent public, pareil scandale servait à écarter un opposant politique ou un ministre trop gourmand.

 John Law, célèbre artisan du développement de la monnaie papier en France, en a fait les frais. Cet Ecossais, mi-banquier, mi-aventurier, ministre des finances du régent Philippe d’Orléans de 1715 à 1720, avait prétendu, durant son ministère, redresser l’économie française, ruinée après le règne de Louis XIV, en créant une Banque Générale qui échangeait l’or et l’argent contre des billets. En parallèle, il s’était lancé dans le commerce avec les colonies en créant ou rachetant plusieurs compagnies maritimes, donnant naissance à la Compagnie perpétuelle des Indes, source de son immense richesse mais aussi de sa perte.220px-John_Law

Des ennemis jaloux ont en effet profité du caractère inflationniste du système Law pour spéculer sur la valeur des billets et ensuite demander à la Banque Générale l’échange de la monnaie papier contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Ne disposant pas des stocks d’or et d’argent suffisants, toute confiance dans le système s’envola, entraînant sa banqueroute. Law, ruiné et menacé, est contraint de s’exiler à Venise où il mourra en 1729.

 Nicolas Fofouquetuquet n’eut pas cette chance, sa condamnation à l’exil étant changée en peine de prison à vie par Louis XIV en personne, après un procès qui dura de 1661 à 1664 et qui reste comme l’un des principaux exemples d’ « affaire » au sommet de l’Etat. Célèbre, plus comme candidat crédible au rôle du « masque de fer » que pour sa science économique, Fouquet, surintendant des finances de 1653 à son procès, était l’un des hommes les plus puissants du royaume. Usant des deniers publics comme des siens, il se forgea un vaste réseau de domaines en province et d’amis à Paris.

Jalousé par Colbert, rival qui convoitait son poste, et par Louis XIV pour son train de vie fastueux, il sera accusé, bien souvent avec des preuves fabriquées, pour détournement de fonds publics et crime de lèse-majesté. Condamné, il mourra en 1680 à la forteresse de Pignerol où il purgeait sa peine.

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